Spinosauridae
  Historique des decouvertes
 


Pour avoir un aperçu direct de l'entièreté des découvertes qui ont été réalisées sur les Spinosauridae ces 200 dernières années, voici une ligne du temps des découvertes et des descriptions de tous les Spinosauridae, depuis les premières mentions de dents de Baryonychinae en 1927 par Mantell (qui les rapporte à un gavial) jusqu'aux dernières réinterprétations de Sinopliosaurus fusuiensis, Labrosaurus? stechowi et de Suchosaurus cultridens par Buffetaut ces dernières années.


Première découvertes et fausses attributions.
L'histoire de la découverte des Spinosauridae ressemble beaucoup à celle des dinosaures elle-même puisque elle débute à la même époque, au même endroit et avec les mêmes scientifiques. Les premières véritables  descriptions scientifiques de dinosaures sont celles de deux paléontologues anglais, William Buckland (1784-1856) et Gideon Mantell (1790-1852) qui, à un an d'intervalle, décriront de manière exhaustive les dinosaures Megalosaurus (Buckland, 1924) et Iguanodon (Mantell, 1925) qu'ils voient alors comme des reptiles fossiles de grande taille. Il faudra cependant attendre 1842 pour qu'un autre naturaliste anglais, Sir Richard Owen (1804-1892), rassemble ces étranges lézards dans le même clade qu'il nommera 'Dinosauria', un terme qui dérive des racines grecques anciennes deinos, "formidable, terrible" et sauros signifiant "lézard, reptile". A cette époque, les "formidables lézards" n'englobent que trois genres de reptiles fossiles, Megalosaurus, Iguanodon et Hyleosaurus. Cependant, sans le savoir, Mantell et Owen avaient préalablement décrit les dents d'un quatrième dinosaure, un Spinosauridae qu'ils avaient incorrectement (mais logiquement) identifé à un crocodilien.

Site fossilifère de Tilgate Forest (Sussex, Angleterre). Imprimé par W. Day.
 
Ainsi, les premières mentions, descriptions et illustrations de restes de Spinosauridae ont été faites en 1827 par Gideon Mantell  lui-même, soit tout juste deux ans après sa description complète d'Iguanodon. Dans son livre sur la géologie du Sussex ("Illustrations of the Geology of Sussex : containing a general view of the geological relations of the South-Eastern part of England"), Mantell illustre et décrit les fossiles de la Forêt de Tilgate qui comprennent des ossements de poissons, de tortues, de crocodiliens mais également d'Iguanodon et de Megalosaurus (Mantell, 1827). Parmi les restes de crocodiliens figurent des dents qu'il rapproche à celles d'un gavial. Les dents du gavial de Tilgate Forest sont brièvement décrites par Mantell et les ossements sont illustrés sur la planche n°V de l'ouvrage (fig. 1, 2, 5, 6, 7, 8, 9 10, 12). Mantell distingue alors deux types de dents, un type obtus ressemblant beaucoup à celui du Gavial du Jura décrit par le Baron Georges Cuvier quelques années auparavant (fig. 1, 2, 3, 7, 10, 12) et un autre plus étroit et plus courbé se rapprochant du crocodile du Gange et du Gavial de Caen également décrit par Cuvier (fig. 5, 6, 8 ).
 
Description et illustration des dents du gavial de Tilgate Forest (fig. 1, 2, 5, 6, 7, 8, 9 10, 12) par Gideon Mantell en 1827. Ce gavial n'est autre que le spinosauridé Suchosaurus cultridens nommé par Owen en 1841 et rapproché à tort à un crocodile.

Le dents du "gavial de Tilgate Forest" seront à nouveau étudiées par Richard Owen quelques années plus tard et l'éminent paléontologue anglais en fera une description plus complète dans son ouvrage Odontographie (Owen, 1840-1845). D'après lui, ces dents seraient celles d'une nouvelle espèce de crocodile qu'il nomme en 1841 Crocodilus cultridens (Owen, 1840-1845), puis plus tard Suchosaurus cultridens dans son ouvrage sur les reptiles fossiles britanniques publié en 1842 (la même année que fût nommé le clade Dinosauria).


(...)
Description et rapprochement des dents du gavial de Tilgate Forest au genre Crocodilus par Owen en 1841.

Angela Milner (2003) du Natural History Museum de Londres note que certaines des dents de Suchosaurus cultridens sont identiques ou extrêmement similaires à celles de Baryonyx. Milner (2003) et Buffetaut (2007) s'accordent à dire que Suchosaurus est bien un Spinosauridae, et non un crocodilien. L'holotype de ce genre est une dent provenant du "wealdien" de Cuckfield (Sussex) qui diffère quelque peu des dents de Baryonyx puisqu'elle possède une surface labiale cannelée, contrairement à Baryonyx dont la surface est lisse (Buffetaut, 2007). Ainsi, d'après Buffetaut (2007), il n'est pas exclu que le spécimen type de Suchosaurus cultridens appartienne bel et bien à un nouveau taxa différent de Baryonyx.

Sauvage et Suchosaurus girardi

A la fin du XIXe siècle, un géologue et paléontologue français du nom de Paul Choffat va étudier pendant plus de 40 années la géologie et la faune fossile des couches mésozoïques du Portugal. Dans un mémoire publié en 1885 sur les niveaux Crétacé du Portugal, Choffat cite un grand nombre de poissons et de reptiles fossiles découverts dans des couches datées du Crétacé inférieur (Sauvage, 1897-1898). Henri Emile Sauvage, un autre paléontologue français, va s'intéresser aux vertébrés fossiles collectés par Choffat quelques années auparavant. Parmis les fossiles étudiés dans son premier mémoire sur les vertébrés des terrains mésozoïques, Sauvage (1897-1898) décrit des fragments de mâchoires et des dents provenant de la localité de Boca do Chapim située à 40 km au sud de Lisbonne. Choffat (1904) donnera une localisation précise de ces ossements qui furent récoltés dans les couches 36-38 de la section de Boca do Chapim (Buffetaut, 2007). Sauvage (1897-1898) rapprochera ces quelques ossements au crocodilien Suchosaurus dont il érige la nouvelle espèce girardi, bien qu'il ne donne aucun diagnose de cette espèce. Vu la grande ressemblance avec le genre Suchosaurus décrit par Owen en 1842, l'attribution de Sauvage à ce taxon considéré alors comme un crocodilien est loin d'être infondée. Buffetaut (2007) réinterprètera cependant ces fragments de mâchoire comme étant ceux d'une espèce indéterminée de Baryonyx.

Illustration des ossements provenant des couches mésozoïques du Portugal par Sauvage (1897-1898). Les figures 1, 4 et 5 sont celles des fragments de mâchoires attribués par Sauvage (1897-1898) à Suchosaurus girardi puis au genre Baryonyx par Buffetaut (2007).

Un Spinosauridae au Tendaguru
Une des plus grandes expéditions paléontologiques du siècle dernier fut certainement celle menée par les allemands en Tanzanie au début du XXe siècle. (à suivre...)

Ernst Stromer et le premier spinosaure
Les premières découvertes d'un spinosauridé non fragmenaire remontent au début du XXe siècle peu avant la première guerre mondiale lors de l'expédition paléontologique allemande commanditée par le paléontologue Ernst Freiherr Stromer von Reichenbach et secondée par son collecteur de fossiles Richard Markgraf. Durant le printemps 1912, ce dernier découvre et déterre une série d'ossements ensevelis sous 30 centimètres de grès ferrugineux et un mètre d'argile dure (Stromer, 1915).


Richard Markgraf lors de l'expédition de 1912 en Egypte. Source : American Museum of Natural History (© AMNH).


Ernst Stromer et son cuisinier, Mohammed Maslim, dans le campement de Bahariya. Source : The Lost Dinosaur of Egypt de W. Nothdurft & J. Smith. © Paläontologische Museum München.

Le site fossilifère se situe très exactement à 3 kilomètres au nord de Gebel el Dist, un petit village de la plaine localisé à la base de la vallée de Baharija (ou Bahariya), grande oasis se trouvant au nord de l'Egypte et à l'ouest de son plus grand cours d'eau, le Nil.
Vues du site de l'Oasis de Bahariya en 1911. La colline de Gebel el Dist est visible sur l'image du bas. Source : The Lost Dinosaur of Egypt de W. Nothdurft & J. Smith. © Rotraut Baumbaur.

   
Vue actuelle et localisation du site fossilifère de l'Oasis de Bahariya, en Egypte.

Oasis de Bahariya au XXIe siècle. Source : Wikipédia.

Les ossements dégagés comprennent deux branches de mandibules dépourvues de l'extrémité postérieure et comptant quelques dents préservées, un angulaire gauche, un os de la mâchoire supérieure gauche, une dizaine de dents individuelles, un grand nombre de côtes incomplètes, des gastralia latérales ainsi que deux vertèbres cervicales, sept autres dorsales, deux et demi sacrales et une caudale antérieure (Stromer, 1915). 

  
Ernst Stromer dans son jeune et plus vieux temps. Source : The Lost Dinosaur of Egypt de W. Nothdurft & J. Smith. © Rotraut Baumbaur.

Ernst Stromer, à l'époque de la découverte, est revenu d'Egypte depuis un an et s'attèle à décrire et publier les découvertes qu'il a pu faire lors de son expédition qui avait débuté en novembre 1910. Markgraf fait ainsi parvenir les nouveaux ossements à Stromer qui travaille alors dans son bureau de l'Académie des Sciences de Munich. Les fossiles souffrirent quelque peu du voyage et Stromer eu beaucoup de mal à recoller les petites pièces provenant des os qui avaient dès le départ été déformés par la tectonique du sous-sol égyptien. Malgré cela, Stromer pu dégager correctement les ossements et les rapprocher à un animal de l'ordre des théropodes, cet ensemble monophylétique qui regroupe la grande majorité (si ce n'est l'entièreté) des dinosaures carnivores (Stromer, 1915).


Gravures d'Ernst Stromer (1915) du matériel osseux de Spinosaurus aegyptiacus découvert dans l'oasis de Baharija...

Le 6 Novembre 1915, Stromer présente le résultat de ses recherches égyptiennes dans la publication "Wirbeltier-Reste der Baharîje-Stufe (unterstes Cenoman)"* éditée dans les comptes rendus de l'Académie Royale des Sciences de Bavière**. Dans le troisième chapitre intitulé "Das Original des Theropoden Spinosaurus aegyptiacus nov. gen., nov. spec.", il décrit et illustre par deux grandes planches les ossements d'un tout nouveau dinosaure qu'il nomme Spinosaurus aegyptiacus, ce qui signifie "lézard épineux d'Egypte" en référence aux longues épines neurales des vertèbres dorsales et au pays d'où sont originaires les ossements. Du fait de l'aspect unique de la forme des dents de ce dinosaure qu'il compare avec celles des autres théropodes, il crée la nouvelle famille des Spinosauridae dans laquelle il va classer le Spinosaurus (Stromer, 1915).

Stromer fera également une reconstitution de Spinosaurus (photo ci-dessous) qui subira quelques modifications avec les nouvelles découvertes. Celle-ci toucheront principalement le crâne car Stromer s'était inspiré de ceux des autres théropodes proches de Spinosaurus aegyptiacus pour le représenter alors que le crâne des Spinosauridae est beaucoup plus étiré vers l'avant et le museau est moins haut et plus étroit.


Reconstitution de Spinosaurus aegyptiacus par Ernst Stromer (1915). Source : The Lost Dinosaur of Egypt de W. Nothdurft & J. Smith. © Paläontologische Museum München.

En 1934, le paléontologue allemand décrit de nouveaux restes fragmentaires incluant des vertèbres cervicales, caudales et dorsales et des os des membres postérieurs (tibia, fémur distal et phalanges unguéales du pied) qui proviennent également du site égyptien de Baharija. Il rapproche ces ossements à Spinosaurus mais du fait de sa plus petite taille et de plusieurs différences morphologiques avec l'espèce aegyptiacus, il nomme ce nouveau spécimen "Spinosaurus B" (Stromer, 1934). Les os de ce dernier n'appartiendraient cependant pas à un seul et même individu puisque les vertèbres seraient celles d'un dinosaure large et corpulent tandis que les os des membres viendraient plutôt d'un théropode large mais gracile (Novas et al., 2005). "Spinosaurus B" n'est actuellement plus considéré comme un Spinosauridae et les ossements rapportés à ce genre appartiendraient à un théropode d'une autre famille (Russel, 1996 ; Sereno et al. , 1998 ; Novas et al., 2005) voir même à un ornithopode (Novas et al., 2005).


Photographies des restes de l'holotype Spinosaurus aegyptiacus (mâchoire inférieure et restes postcrâniens) montés au Paläontologische Staatssammlung München avant le bombardement de 1944. Smith et al., 2006.

Malheureusement, l'entièreté des ossements de l'holotype Spinosaurus aegyptiacus ainsi que le théropode "Spinosaurus B" furent détruit lors d'un raid aérien des bombardiers de la British Royal Air Force sur Munich dans la nuit du 24 au 25 avril 1944. Le bombardement endommagea sévèrement le building qui hébergeait le Paläontologische Staatssammlung München et détruisit une grande partie de la collection de Stromer qui provenait d'Egypte. Deux photos des ossements ont été prises avant leur triste disparition (Smith et al., 2006).



Le bâtiment du Paläontologische Staatssammlung München de Munich après le bombardement des Alliés en 1944
. Source : The Lost Dinosaur of Egypt de W. Nothdurft & J. Smith. © Paläontologische Museum München.

* Traduction française : "Restes de vertébrés provenant des niveaux de Bararija (base du Cénomanien inférieur)".
**"Abhandlungen der Königlichen Bayerischen Akademie der Wissenschaften, Mathematisch-physikalische Klasse".

Découverte dans le désert du Sahara

Les découvertes suivantes de Spinosauridae furent également faites dans le Nord de l'Afrique mais cette fois-ci au Maroc et au Niger. Désireux de tenter des recherches paléontologiques en Afrique afin d’y trouver des mammifères oligocènes, le docteur des sciences René Lavocat, vivement approuvé et soutenu par son Directeur de laboratoire le Professeur C. Arambourg, sollicita et obtint en 1947 du CNRS une mission qui allait le conduire dans le désert algéro-marocain. Après un parcours à pied (et en voiture) de plus de dix mille kilomètres dans les Hammadas des confins algéro-marocains durant trois hivers (1948-49, 1949-50 et 1950-51), il n’y trouva pas les mammifères oligocènes escomptés mais une riche faune de vertébrés crétacés (Lavocat, 1954a) dont probablement des Spinosauridae. Sa première note concernant cette faune est publiée en 1948 dans les Comptes Rendus Sommaires de la Société géologique de France où il explique la découverte d’un important gisement de reptiles (dinosaures et crocodiles) et de poissons dans le soubassement crétacé de la Hammada du Guir (Lavocat, 1948). Une seconde note apparaît en 1949 dans la même revue où Lavocat étend le gisement jusqu’au sud ouest des Kem Kem (250 kilomètres de long) et situe précisément plusieurs gisements particulièrement riches en une faune qui est semblable sur tous les sites (Lavocat, 1949a). Après avoir publié d’autres notes sur la géologie et l’âge des Hammadas du Sud marocain (1948, 1949b, 1950 ; F. Joly et R. Lavocat, 1949), il mentionne en 1951 la découverte d’un grand dinosaurien sauropode dans le Crétacé du Sud marocain non loin de l’Oued Bou Haiara, au pied du versant sud de la Gara Sba. Durant l’hiver 1951-1952, il retourne sur ce même gisement et achève, grâce au moyen matériel et aux hommes que lui met à sa disposition le Service Géologique du Maroc, la fouille du gisement à dinosaures. Ce dernier n’est qu’une petite lentille fossilifère qui est très rapidement fouillée ne permettant de mettre au jour que quelques ossements supplémentaires (Lavocat, 1952). Le paléontologue français fait en 1954 un compte rendu de ces découvertes d’ossements de dinosaures trouvés dans trois gisements des Kem Kem (Tabroumit, Kouah Trick et Gara Sba). Bien qu'il fouille dans des gisements très riches en restes osseux et dents de Spinosauridae, il ne semble pas mentionner d'ossements de cette famille, contrairement à celles des Megalosauridae (Lavocat, 1948, 1951), des Carcharodontosauridae (Lavocat, 1954c) et d'autres familles de théropodes. Cependant, Lavocat mentionne à plusieurs reprises des ossements et des dents qu'il n'arrive pas à rapprocher à un dinosaure carnassier (Lavocat, 1954c) et qui pourraient peut être appartenir à Spinosaurus. De plus, les dents de Spinosauridae ressemblent fortement à celles des crocodiliens. Vu l'abondance des dents de Spinosauridae dans ce gisement, il est pratiquement certain que Lavocat a dû en découvrir sans pouvoir les rapprocher de cette famille.

En 1971, l’Institut et Muséum de géologie et de paléontologie du Georg-August-Universität de Göttingen en Allemagne demande au docteur H. Alberti et deux de ses employés (O. Chérif et U. George) de récolter des ossements dans le « Continental Intercalaire » de la base de la Hammada du Guir près de la ville de Taouz au Maroc (Buffetaut, 1989). Le matériel ramené à Göttingen comprend des restes de quelques crocodiles, d'un coelacanthe géant, de crossoptérygiens, quelques dents de dinosaures carnivores rapportés au genre Carcharodontosaurus et enfin des restes d’un autre dinosaure carnivore rapportés au genre Spinosaurus et dont Buffetaut décrit un maxillaire incomplet (Buffetaut, 1989).

Au milieu des années 60, Philippe Taquet du Musée d'Histoire naturelle de Paris fouille un nouveau gisement de vertébrés fossiles découvert par des géologues du Commissariat de l'énergie atomique (CEA) qui se livraient à des prospections en Afrique subsaharienne dans le but de trouver de l'uranium. Le gisement, daté de l'Aptien par ce paléontologue, est celui de Gadoufaoua qui veut dire en Touareg "l'endroit où les chameaux craignent de s'y rendre" et qui se situe dans le grand désert de sable du Ténéré au Niger. Ce vaste gisement extrêmement fossilifères permettra à Philippe Taquet, jeune paléontologue de 24 ans, tout droit sorti des bancs de l'Université de Paris, de découvrir le nouveau dinosaure ornithopode Ouranosaurus ainsi que l'immense crocodilien Sarchosuchus imperator (Taquet, 1994). En 1973, dans le niveau des innocents de la Formation d'El Rhaz (série du Tegama), le paléontologue français récolte deux extrémités antérieures de mandibules qu'il rapproche à l'espèce Spinosaurus. Ces ossements seront cependant définis par la suite comme étant des prémaxillaires plutôt que des dentaires (Charig et Milner 1986, Kellner 1994, Kellner et Campos, 1996). Malgré cela, ces ossements crâniens lui permettront de s'interroger sur la curieuse forme du crâne des Spinosauridae, le museau long et étroit qu'il interprète le premier comme étant une spécialisation à un régime piscivore de cette famille.

Dans le Sud tunisien, bien que le paléontologue français Albert François de Lapparent, qui avait fait de nombreuses fouilles dans cette zone et avait découvert un grand nombre d'ossements de dinosaures, note dans un mémoire de la Société géologique de Paris sur les dinosaures du "Continental Intercalaire" du Sahara Central l'absence totale de Spinosauridae dans cette région (Lapparent, 1960), une mission franco-tunisienne va mettre à jour des dents de Spinosauridae sur un nouveau site de la région de Tatahouine (Bouaziz et al., 1988). En février - mars 1985, une collaboration entre le "Programme de Cartographie géologique et Inventaire des substances utiles dans le Sud tunisien" et le laboratoire de Paléontologie des Vertébrés de l'Université de Paris VI va permettre de découvrir un nouveau gisement de vertébrés à environ 4 kilomètres au NW de la localité de Bir Miteur, située à 28 kilomètres au NW de Foum Tatahouine. Ce gisement a livré une faune assez riche de poissons et de reptiles dont des dents attribuées à l'espèce Spinosaurus sp. par Bouaziz et al. (1988).

William Walker et sa "Griffe"

La seconde grande découverte d'un Spinosauridae, après celle de Stromer, à cette fois lieu en Europe au début des années 80.


William Walker et "la Griffe"...

Le 7 janvier 1983, Mr William J. Walker, un chasseur de fossile amateur, fit la découverte d'une très grande griffe (photo ci-dessus) dépourvue de son extrémité ainsi qu'une autre phalange unguéale moins complète et plus petite dans la fosse argileuse de Smokejacks à Wallis Wood, propriété de l'usine de brique Ockley Brick Company située près de Ockley, petite ville non loin de Dorking dans le Surrey en Angleterre. Une semaine plus tard, aidé de quelques amis, il retrouva l'extrémité de l'énorme griffe ainsi que d'autres ossements. Convaincu de l'importance paléontologique de sa trouvaille, il contacta le Natural History Museum de Londres. Alan J. Charig et Angela C. Milner, tous deux paléontologues au British Museum, examinèrent le matériel de Walker et décidèrent de se rendre sur le site le 7 février. Ils trouvèrent ainsi les os brun foncé d'un bassin ainsi que des membres inférieurs qui affleuraient sous la surface de l'argile. Du 25 mai au 10 juin 1983, une équipe de huit personnes du Département de paléontologie du Museum aidé par un grand nombre de volontaires excavèrent pas moins de deux tonnes de roches contenant les ossements (Charig et Milner, 1997). Trois ans plus tard, Charig et Milner (1986) publient leurs premières recherches sur les ossements d'Ockley dans Nature. La griffe de plus de 30 centimètres de long ainsi qu'un grand nombre d'ossements désarticulés provenant du gisement de Smokejacks appartiennent à un nouveau dinosaure carnivore qu'il nomme Baryonyx walkeri soit la "forte griffe" qu'il dédie à son découvreur Walker. Pour ces auteurs, la nouvelle espèce fait partie intégrante de la famille des Baryonychidae qu'ils créent pour accueillir Baryonyx et qu'ils distinguent ainsi de celle des Spinosauridae (Charig et Milner 1986, 1990, 1997). Cette hypothèse fut cependant débattue par un grand nombre de paléontologues et il est actuellement admis que Baryonyx fait partie de la famille des Spinosauridae et de la sous-famille des Baryonychinae (Sereno et al. 1998, Buffetaut et Ouaja 2002, Ruiz-Omeñaca et al. 2005, Dal Sasso et al. 2005).
La découverte de Baryonyx reste un évènement majeur dans l'histoire des dinosaures trouvés au Royaume-Uni (Milner et Croucheur, 1987) car avant celle-ci, la large faune de vertébrés fossiles d'Angleterre ne comprenait qu'une faible proportion de dinosaures carnivores avec les quelques rares ossements de Megalosaurus et Eustreptospondylus découverts bien longtemps auparavant (Charig et Milner, 1986, 1997).

Cliquez sur l'image ci-dessous pour découvrir plusieurs photos de la découverte de
Baryonyx walkeri (Photos du Natural History Museum).


© The Natural History Museum, London

Des dents appartenant probablement à des Baryonychinae ont été également découvertes en Angleterre avant et après la découverte de Baryonyx walkeri :

- Dans les argiles et les grès de la formation de Wessex (Barrémien) qui affleurent le long de la côte sud de l'Ile de Wight (Martill et Hutt 1996, Naish et al. 2001).
- Dans les argiles wealdiennes (Barrémien) de la firme Ewhurst Brickworks dans le Surrey (Charig et Milner, 1997). Elles furent trouvées par le Dr E. A. Jarzembowski dans les années 1980 (Charig et Milner, 1997).
- l’Hautérivien d’Ashdown Sand à Redlands Bricks (Ashdown Works, Scallets Wood, Turkey Road, Bexhill-on-sea) dans le Sussex. Elles ont été trouvées par Mr D. Brockhurst en 1993 (Charig et Milner, 1997).

Présence de Baryonyx en Espagne

En 1983, une campagne de fouille est menée non loin de la localité de La Rojia au Nord de l'Espagne. Celle-ci va permettre de mettre au jour un important matériel paléontologique trouvé dans un niveau calcaire du Groupe d'Ensisco d'âge Barrémien (Barrémien d'Igea) et qui sera conservé dans la section géologique de la société des Sciences d'Aranzadi (Seccion de Geologica de la Sociedad de Ciencias Aranzadi) du Musée de San Telmo, à San Sebastian. Un fragment de maxillaire gauche fait partie des fossiles découverts à La Rioja. Après avoir été préparé et dégagé de sa gangue en 1994, deux géologues du musée de San Telmo, Luis I. Viera et J. A. Torres, s'interrogent sur la nature de cet ossement et le rapprochent à un fragment crânien d'un théropode qu'il estime proche de Baryonyx. Afin de comparer leur fossile à ceux des collections paléontologiques du British Museum, ils se rendent à Londres et rencontrent le 6 avril 1990 la responsable de la division des vertébrés fossiles du Département de Paléontologie, le Dr. Angela C. Milner. Celle-ci leur montrera le lendemain le maxillaire de Baryonyx walkeri, permettant aux deux scientifiques espagnols de confirmer l'appartenance du maxillaire à la même espèce de Spinosauridae Baryonyx walkeri (Viera et Tores, 1995).


Des dents isolées de Baryonychinae furent également découvertes en Espagne beaucoup plus tard :

- Trois localités : Tenada de la Rosada (Cabezon de la zierra), Tenada de Costalomo (Salas de los Infantes), La Tereja-Valdesancho (Barbadillo del Mercado), toutes dans la Province de Burgos, au Nord de l'Espagne. Quatre dents ont été découvertes dans le faciès wealdien daté du Crétacé inférieur(Age Bérriasien - Aptien) (Torcida et al., 1997).
- Région de Salas de Los Infantes, Province de Burgos. Age :  Barrémien supérieur - Aptien inférieur. (Torcida et al., 2003).
- Localité de La Cantelara près de Josa, dans la Province de Teruel (Aragon, Nord-est de l'Espagne). Ces dents viennent d'un affleurement d'argile de la formation de Blesa daté de l'Hautérivien supérieur - Barrémien inférieur (Ruiz-Omenaca et al., 2005).
- Localité de Vallipon dans la Province de Teruel (Aragon, Nord-est de l'Espagne). Age :  Barrémien supérieur. (Ruiz-Omenaca et al., 1998).
- Localité de Morella, Province de Castellon. Age : Aptien inférieur. (Canudo et al., 2004).

Le premier Spinosauridae d'Asie

En 1986, des dents isolées du Crétacé inférieur de la formation de Sao Khua, située non loin de la ville de Phu Wiang au Nord de la Thaïlande, furent décrites par Buffetaut et Ingavat (1986) et rapportées à une nouvelle espèce de dinosaure carnivore qu'ils nomment Siamosaurus ("reptile de Siam") suteethorni (en l'honneur du paléontologue thaïlandais Varavudh Suteethorn) et tentent de rapprocher à la famille des Spinosauridae suite à leur forme particulière proche de celle des dents de Spinosaurus aegyptiacus. En 2004, suite à la découverte d'un squelette partiel (incluant plusieurs vertèbres cervicales et dorsales, des côtes et un os métapodial) et d'une dent dans la formation de Khok Krua proche de la ville de Khon Kaen, Siamosaurus a pu être identifié comme étant un Spinosauridae, confirmant la présence de cette famille de théropode sur le continent asiatique (Buffetaut, 2004).

Les Spinosauridae d'Amérique du Sud

Une autre révolution dans le monde de la paléontologie des dinosaures, cette fois-ci au Brésil, est la découverte d'os crâniens et d'un crâne incomplet de Spinosauridae dans le bassin d'Araripe, vaste cuvette au nord est du pays. 
En 1991, le Docteur Murilo R. de Lima de l'Université de Sao Paulo découvre un nodule calcaire typique de la Formation de Santana (Membre de Romualdo, âge Albien) située dans le bassin d'Araripe et l'envoie au paléontologue brésiliens Alexander W. A. Kellner. Ce nodule attira l'attention de ce dernier et du paléontologue brésilien Diogenes de A. Campos de Rio de Janeiro qui remarquèrent la présence dans le nodule d'une portion antérieure du crâne d'un dinosaure. Les deux chercheurs publient leur recherche cinq ans plus tard et mettent en évidence la découverte du premier théropode du Crétacé inférieur du Brésil, un nouveau Spinosauridae qu'ils nomment Angaturama limai. Le nom de genre signifie "noble" dans le langage des Tupi, peuples aborigènes brésiliens, le nom de l'espèce quant à lui est dédié à son découvreur Murilo de Lima (Kellner et Campos, 1996).
Un autre nodule provenant de la même formation de Santana et contenant cette fois-ci un crâne presque complet de théropode fut découvert dans les collections du Muséum naturelle de Stuttgart (Staaliches Museum für Naturkunde Stuttgart) au milieu des années 90. Sa provenance exacte n'est pas connue mais la matrice rocheuse entourant les os crâniens a pu être rapprochée aux concrétions argileuses qui se trouvent dans les environs de Porteiras et de Serra da Maozina situés dans la partie est des affleurements qui définissent la Formation de Santana. Cette zone est hélas fouillée à des fins commerciales ce qui explique le fait que le nodule ne fut pas trouvé par des paléontologues. Le spécimen fut envoyé au Royaume-Uni afin de subir une tomographie par ordinateur (scanner par images CAT) avant d'être préparé mécaniquement. Quatre paléontologues anglais dont David M. Martill et M. Clarke, ainsi que le paléontologue allemand E. Frey du muséum de Stuttgart, ont pu étudier le spécimen et constater avec tristesse des modifications artificielles de l'extrémité antérieure du crâne (Martill et al., 1996). En effet, le scanner du nodule révéla que le sommet du museau avait été artificiellement reconstruit et qu'il avait été également étiré en rassemblant des portions du maxillaire au niveau du prémaxillaire. Ce travail de reconstruction fut dissimulé par des blocs de matrice qui furent extraits d'autres parties du spécimen. Les cinq chercheurs purent néanmoins conclure que le crâne appartenait à une nouvelle espèce de dinosaures carnivores qu'ils nommèrent Irritator challengeri. L'étymologie du nom de genre dérive du mot irritation, sentiment qu'ils partagèrent en voyant que le museau fut allongé artificiellement, le nom d'espèce provenant quant à lui du célèbre professeur Challenger, le héros fictif du roman "The Lost World" écrit par Sir Arthur Conon Doyle. Ces auteurs classent Irritator dans la nouvelle famille des Irritatoridae qu'ils créent à cette occasion et le rapprochent du taxon des Bullatosauria, groupe abandonné qui unissait les Ornithomimosauria avec les Troodontidae (Martill et al., 1996). Des études plus récentes ont cependant rapproché ce théropode de la famille des Spinosauridae (Sues et al., 2002) et de la sous-famille des Spinosaurinae (Sereno et al., 1998 ; Dal Sasso et al., 2005).


Crâne d'Irritator challengeri après avoir été préparé au laboratoire.

Plus récemment encore, des dents de Spinosauridae ont été découvertes dans le site de Laje do Coringa daté du Cénomanien supérieur et situé à l'extrême ouest de la baie de la petite île de Cajual au large des côtes nordiques du Brésil (Medeiros et Vilas Bôas, 1999 ; Medeiros et Shultz, 2001, 2002). Une nouvelle analyse des 275 dents qui ont été découvertes dans ce nouveau site a permis de distinguer deux morphotypes. L'un d'eux témoigne de la présence des Spinosaurinae dans le Nord du Brésil au Cénomanien supérieur tandis que l'autre correspondrait à une nouvelle famille de théropode dont le matériel osseux n'est pas encore connu et qui serait fort proche des Spinosaurinae (Medeiros, 2006).

Nouveaux matériels africains

Depuis les dernières missions paléontologiques menées par les allemands dans le Sud-est marocain dans les années 70, les autochtones, conscients de la richesse fossilifère de cette région et encouragés à développer un marché de fossiles de vertébrés (principalement des dents de crocodiles et de dinosaures carnivores), fouillent de toutes parts les niveaux fossilifères des gisements des Kem Kem et du bassin du Tafilalt riches en ossement et dents de Spinosauridae. Malgré l’achat d’un grand nombre d’ossements par des particuliers, plusieurs spécimens fossiles ont été obtenus par diverses institutions scientifiques. Par exemple, Brian Eberhardé de Cambridge légua une partie de son matériel au Canadian Museum of Nature principalement et au Natural Museum History de Londres (Russel, 1996). Le matériel fossile obtenu par le Canadian Museum of Nature fut ainsi décrit par plusieurs scientifiques dont Stephen Cumba pour les poissons, France de Broin pour les chéloniens, Hans-Dieter Sues pour les crocodiles et Dale A. Russel (1996) pour les dinosaures. Dans la publication de ses recherches sur les os isolés de dinosaures du Tafilalt, ce dernier rapporte des vertèbres cervicales, un fragment de dentaires et des arcs neuraux de vertèbres dorsale au genre Spinosaurus qu'il distingue de l'holotype de Stromer Spinosaurus aegyptiacus et nomme ainsi Spinosaurus maroccanus suite à la provenance de ces ossements (Russel, 1996).

En 1998, Philippe Taquet et Dale A. Russel publient une nouvelle étude sur du matériel de Spinosauridae provenant de l'Aptien du Niger et de l'Albien d'Algérie. Les ossement trouvés en Algérie viennent de la Gara Samani situé au nord-ouest du Tademaït et comprennent un museau avec le prémaxillaire, le maxillaire, les vomers et des fragment du dentaire, un autre fragment de prémaxillaire, des centres de deux vertèbres cervicales et l'arc neural d'une vertèbre dorsale. Ils sont rapportés par les deux auteurs à Spinosaurus maroccanus. Le matériel venant du Niger a été découvert dans le gisement de Gadoufaoua (niveau des Innocents, Formation de Tegama) décrit plus haut et comprend deux prémaxillaires, une partie de maxillaire et de dentaire droit ainsi que des prémaxillaires fusionnés et des vertèbres dorsales. Ces ossements appartiennent pour ces auteurs à une nouvelle espèce de Spinosauridae qu'il appelle Cristatusaurus ("lézard à crête") lapparenti en hommage à Albert François de Lapparent pour sa contribution à l'étude des dinosaures sahariens.
Certains paléontologues admettent toutefois que Spinosaurus maroccanus ne peut être distingué nettement de l'holotype disparu Spinosaurus aegyptiacus et doit être considéré comme un nomen dubium (Sereno et al., 1998 ; Buffetaut et Ouaja, 2002 ; Dal Sasso et al., 2005). Quant à Cristatusaurus lapparenti, il est également considéré comme un nomen dubium par certains (Sereno et al., 1998) ou un synonyme junior de Baryonyx sp. par d'autres (Naish et al., 2001 ; Buffetaut et Ouaja, 2002).

Durant l'automne 1997, une équipe de 18 scientifiques de nationalité américaine, anglaise, française et nigérienne, menée par le paléontologue américain Paul Sereno de l'Université de Chicago, lancèrent une expédition dans le désert du Ténéré au Niger où avait fouillé Philippe Taquet 30 ans plus tôt. Cette expédition qui avait pour but de rechercher des ossements de vertébrés fossiles dura quatre mois et permis de mettre au jour trois nouveau dinosaures, à savoir les sauropodes primitifs Jobaria tiguidensis (Formation Tiouaren) et Nigersaurus taqueti (Formation d'Elrhaz) et enfin le célèbre Spinosauridae Suchomimus tenerensis (Formation d'Elrhaz) qui, bien que partiel, reste actuellement le plus complet et le mieux conservés des Spinosauridae découverts. Cette nouvelle espèce décrite et publiée succinctement dans la revue Science (Sereno et al., 1998), inclut un crâne incomplet (prémaxillaires, maxillaires, carré droit, partie de dentaire), une grande partie des os des membres antérieurs et postérieurs, un bassin complet, plusieurs vertèbres dorsales munies de côtes, des vertèbres sacrées et caudales et enfin de rares vertèbres cervicales. Sereno et al. (1998) classent Suchomimus parmi la sous-famille des Baryonychinae et le distinguent du genre Baryonyx par plusieurs synapomorphies. Plusieurs auteurs estiment cependant que Suchomimus est un synonyme junior de Baryonyx et doit plutôt être nommé Baryonyx tenerensis (Sues et al. 2002, Milner, 2003).

Cliquez sur l'image ci-dessous pour découvrir plusieurs photos de la découverte de Suchomimus prises par le paléoichtyologue Didier Dutheil.


Paul Sereno et son équipe en train de dégager les os de Suchomimus tenerensis dans le désert de Gadoufaoua.

Nouveaux matériels crâniens de Spinosaurus aegyptiacus

Au début du 21e siècle, Mohamed Ouaja de l'Office National des Mines de Tunisie, découvre un fragment de mâchoire inférieure à même le sol, au sommet d'une colline connue sous le nom de Jebel Miteur. Cette colline au sommet évasé fait partie de l'escarpement de Dahar qui se situe près de la ville de Ghoumrassen dans la région de Tataouine au Sud-est de Tunisie. En 2002, Ouaja et Eric Buffetaut publient ce nouvel os qu'ils identifient comme appartenant à Spinosaurus aegyptiacus (Buffetaut et Ouaja, 2002). Cette trouvaille apporte de nouvelles preuves de la présence de Spinosauridae sur le sol Tunisien qui n'étaient alors connus que par des dents isolées (Bouaziz et al., 1988) ainsi que de nouvelles données sur l'évolution des Spinosauridae en Afrique (Buffetaut et Ouaja, 2002).

Plus récemment encore, de nouveaux éléments crâniens provenant des collections du Muséum d'Histoire Naturelle de Milano (Museo di Storia Natruale di Milano) et de la collection paléontologique de l'Université de Chicago (University of Chicago Paleontological Collection) ont permis d'apporter de nouvelles informations sur l'anatomie, la taille et les relations de parenté de Spinosaurus aegyptiacus (Dal Sasso et al., 2005). Le spécimen du Musée de Milan consiste en un large museau comprenant les deux prémaxillaires entiers et une partie des deux os nasaux et des maxillaires. Les deux fosses nasales sont bien distinctes et cette mâchoire supérieure incomplète comprend quelques dents cassées et une dent entière qui devait encore pousser. Cet os préservé en 3 dimensions fut découvert par les autochtones en 1975 dans le Sud du Maroc, à l'est de la localité de Taouz, et conservé dans une collection privée jusqu'en 2002. Le second spécimen fut découvert par l'équipe de Paul Sereno dans le Nord du vaste plateau des Kem Kem (non loin du post frontière de Keneg ed Dal) lors de l'expédition paléontologique de 1996 qui fut lancée dans le Sud marocain. Il ne fut pas identifiable initialement et resta jusqu'en 2002 dans la collection paléontologique de l'Université de Chicago. Ce spécimen, qui fut partiellement érodé, consiste en deux os nasaux incomplets fusionnés entre eux et formant ainsi une crête nasale large. Les deux ossements marocains ont été étudiés par une équipe comprenant deux paléontologues italiens du Musée d'Histoire Naturelle de Milan (Christiano Dal Sasso et Simone Maganuco), le paléontologue français Eric Buffetaut et le paléontologue Marco A. Mendez de l'Université de Chicago. Ces auteurs ont rapprochés ces deux ossements à Spinosaurus aegyptiacus et, grâce au museau, ont pu estimer la taille du crâne de Spinosaurus à environ 175 cm, et même de la longueur de son corps qu'ils évaluent à environ 17 mètres, ce qui fait de ce dinosaure le plus grand théropode (Dal Sasso et al., 2005).


Museau de Spinosaurus aegyptiacus provenant des Kem Kem en vue latérale et ventrale. Dal Sasso et al. (2005)

Une évidence directe de l'alimentation des Spinosauridae
La dernière découverte majeure qui concerne les Spinosauridae fut celle de trois vertèbres cervicales de ptérosaure avec une dent de Spinosauridae enchâssée dans le côté droit de la plus antérieure. Ce remarquable fossile fut trouvé dans un nodule provenant du Membre de Romualdo que compose une partie de la Formation de Santana située au Nord-est du Brésil. Il fut conservé dans la collection paléontologique du Wyoming Dinosaur Center avant d'être étudié par les paléontologues Eric Buffetaut du CNRS de France et David Martill de l'Université de Portsmouth. Il s'agit d'une preuve irréfutable de l'alimentation des Spinosauridae qui se nourrissaient au moins occasionnellement de ptérosaures peut-être à l'état de charogne (Buffetaut et Martill, 2004).

Trois vertèbres cervicales de ptérosaure en vue dorsale avec une dent de Spinosauridae enchassée dans la plus antérieure.
Spinosauridae portuguais
La localité de Boca do Chapim située de long des falaises côtières au nord du Cap Espichel, à 40 kilomètres au Sud de Lisbonne, est connu pour être un site riche en vertébrés fossiles depuis le 19e siècle. Entre 1897 et 1898, Sauvage décrit des restes provenant de ce bone-bed (Formation de Paco-Seco) initialement daté de l'Albien - Aptien et actuellement rapporté au Barrémien inférieur.  Il s'agit de dents attribuées à un Iguanodon, un sauropode et un théropode ainsi qu'un fragment de mâchoire que Sauvage rapporte au crocodilien Suchosaurus décrit par Richard Owen quelques années plutôt. Conservé dans le Musée Géologique de Lisbonne, cet ossement fort mal préservé fut réétudié par Buffetaut (2007) qui le rapproche au genre Baryonyx sp. tant sa ressemblance avec la mâchoire de Baryonyx walkeri est grande. Le spécimen de Boca do Chapim témoigne ainsi pour la première fois de la présence de Baryonyx au Portugal (Buffetaut, 2007).

Partie de mâchoire de Baryonyx sp. du Barrémien du Portugal.

Spinosauridae aux pays des J.O.


Les découvertes futures
Plusieurs ossements de Spinosauridae sont actuellement en cours d'étude dans différentes universités du Monde :

- Angela Milner étudie du nouveau matériel de Spinosaurus découverts dans la région des Kem-Kem (Sud-est du Maroc) il y a quelques années par les locaux. Il s'agirait entre autres de prémaxillaires, de dentaires et d'autres os crâniens ainsi que des vertèbres.


- Elaine Batista Machado et Alexandre W. A. Kellner du Museu Nacional de Rio de Janeiro étudient des nouveaux ossements (Bassin, membres antérieurs,...) de Spinosauridae provenant de la Formation de Santana du Brésil.


- Eric Buffetaut du CNRS, Angela Milner et Varavudh Suteethorn, de la section paléontologique du Département des Ressources minérales de Thaïlande, étudient de nouveaux restes postcrâniens du Spinosauridae Siamosaurus suteethorni provenant de la Formation de Sao Khua (Crétacé inférieur), dans le Nord-Est de Thaïlande.

- Nizar Ibrahim, actuellement étudiant à l'école de Biologie et des Sciences Environnementales de l'Université de Dublin, étudie du matériel de Spinosauridae provenant des Kem-Kem et conservés dans plusieurs université européennes (Allemagne, Angleterre, Dublin,...). Il a pu étudier un moulage de dentaire de Spinosaurus de grande taille (60 cm) lorsqu'il était à Bristol.

- Christine Lipkin a étudié la myologie et la biomécanique des avant-bras de Spinosauridae en tant que thèse lors d'un postgraduat à Bristol ("Myology and biomechanics of the forelimbs of the Baryonychinae (Theropoda: Spinosauridae)", travail supervisé par Mike Benton, Juergen Kriwet et Paul Sereno) ainsi qu'une furcula (un os de la ceinture scapulaire chez les théropodes et les oiseaux) de Spinosauridae avec Sereno (Lipkin et Sereno, 2002 ; Lipkin et al. 2007).


- Quant à moi (Christophe Hendrickx), j'étudie actuellement des carrés de Spinosauridae provenant des Kem Kem et donnant des informations essentielles sur la mécanique de la mâchoire de cette famille de dinosaures.



 
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